Plus d'une personne sur trois dit souffrir de détresse psychologique, selon une étude de l'Observatoire sur la santé et le mieux-être au travail, que dirige le professeur Alain Marchand, de l'UdeM.
La pandémie de COVID-19 est associée à une détresse psychologique plus élevée qu'avant la crise sanitaire, mais le passage au télétravail semble avoir diminué les symptômes de fatigue, d'épuisement physique et psychologique liés au travail.
De fait, selon une enquête menée auprès de 4307 personnes dans 69 milieux de travail au Canada - dont 1967 issues de 52 milieux professionnels et interrogées pendant la première vague -, 40 % des répondants disent souffrir de détresse psychologique en lien avec le travail depuis le début de la pandémie. Avant, ce taux était de 35,8 % en moyenne.
C'est ce que révèle la première série de données d'une étude longitudinale réalisée par l'Observatoire sur la santé et le mieux-être au travail (OSMET) de l'Université de Montréal, obtenues avant la pandémie de COVID-19 ainsi que de mai à octobre derniers.
Les données indiquent également que:
- 23,3 % des répondants ressentent des symptômes d'épuisement professionnel;
- 20,4 % ont recours à des médicaments psychotropes;
- 18,8 % craignent d'être contaminés par le coronavirus;
- 12,4 % rapportent des symptômes de dépression;
- 9,9 % vivent de l'anxiété.
«Les données montrent aussi que les femmes courent de 27 à 69 % plus de risques que les hommes d'avoir des atteintes à leur santé mentale, mais l'écart est cependant plus faible pour la détresse psychologique et l'épuisement», dit Alain Marchand, professeur à l'École de relations industrielles de l'UdeM.
Toujours au chapitre de la santé mentale, l'enquête signale que les personnes de plus de 50 ans rapportent moins de symptômes que les plus jeunes, qui sont plus susceptibles de présenter des signes de dépression.
«Cela s'explique possiblement par le fait que les gens plus âgés ont une plus grande aisance à accomplir leurs tâches et qu'ils ont de meilleures conditions de travail et de vie à l'extérieur du milieu professionnel», soumet celui qui est aussi directeur de l'OSMET.
Autre donnée intéressante, le fait d'appartenir ou non à un groupe minoritaire semble avoir peu d'influence sur la manifestation de problèmes de santé mentale, bien qu'il existe une légère différence en ce qui a trait à la peur de la contamination par le virus de la COVID-19 ainsi qu'à la consommation de médicaments psychotropes.
«La crainte d'être contaminé en milieu de travail par le coronavirus est plus présente chez les membres de groupes minoritaires, tandis que la consommation de médicaments psychotropes est plus grande parmi les personnes issues de la majorité», précise Alain Marchand.
Par ailleurs, les données font ressortir une diminution de six pour cent de l'épuisement au travail parmi les répondants.
«Il semble que cette baisse soit attribuable au télétravail, ajoute le professeur. La conciliation travail-famille est un facteur important dans l'apparition de l'épuisement professionnel et cet état s'est atténué avec le travail à la maison, qui requiert moins de déplacements et permet plus de flexibilité.»
Problèmes de santé mentale préoccupants
Les symptômes de détresse psychologique, de dépression et d'anxiété ainsi que la consommation de médicaments psychotropes parmi les travailleuses et travailleurs ne constituent pas un phénomène nouveau.
Hormis la crise sanitaire qui accentue l'importance de ces symptômes à certains égards, ceux-ci ont pris une ampleur préoccupante au fil des années.
«Nos outils de mesure montrent des résultats analogues à ceux de l'Institut de la statistique du Québec, et nous constatons que, dans certains milieux, la détresse psychologique atteint jusqu'à 45 % des membres du personnel C'est énorme!» affirme Alain Marchand.
Le professeur se dit d'ailleurs inquiet pour les travailleuses et travailleurs de 18 à 34 ans: 20 % des répondants rapportent des symptômes de dépression, comparativement à 13 % parmi les 35 à 49 ans et 8 % chez les plus de 50 ans.
«Il se passe quelque chose de particulier pour eux, leur entrée sur le marché de l'emploi et les débuts de carrière s'avèrent plus stressants, possiblement en raison des préoccupations en dehors du travail, comme la vie de couple et le désir de fonder une famille», mentionne-t-il.
Selon lui, il importe de s'attaquer à la détresse psychologique des personnes en âge de travailler, car elle est un indicateur de l'état de santé mentale globale qui peut mener à des problèmes plus graves tant sur le plan personnel qu'à l'échelle des organisations.
«Les entreprises doivent mettre en place des pratiques qui promeuvent la santé globale et favorisent l'engagement dans la prise de décision, conclut Alain Marchand. Surtout, elles doivent continuer à faire preuve de bienveillance et permettre le droit à l'erreur! Ce n'est pas le moment de sortir le bâton: les employés sont les ressources premières qui permettent aux organisations d'atteindre leurs objectifs.»
Données méthodologiques
La collecte des données de l'enquête s'est effectuée par des questionnaires auxquels ont répondu 4307 personnes dans 69 milieux de travail de mai 2019 à octobre 2020.
L'échantillon était composé à 60 % de femmes et à 40 % d'hommes et près d'une personne sur quatre (24,4 %) était issue d'un groupe minoritaire. Chez les personnes interrogées pendant la pandémie (de la mi-mars à octobre 2020), 92,6 % étaient en télétravail.
En ce qui a trait à la taille des milieux professionnels, 58,1 % des personnes participantes travaillaient dans une organisation de 50 à 499 employés, comparativement à 36,5 % au sein d'une entreprise de plus de 500 employés. Les personnes travaillant dans un milieu de moins de 50 employés représentaient 5,4 % de l'échantillon.