Dans son nouveau long métrage documentaire, De la musique pour le cerveau, Isabelle Raynauld, professeure de cinéma au Département d'histoire de l'art et d'études cinématographiques de l'Université de Montréal, nous dévoile une partie des bienfaits de la musique sur le cerveau humain.
Passionnée par les neurosciences, Isabelle Raynauld avait réalisé en 2006 Le cerveau mystique, qui avait remporté le prix Gémeaux du meilleur documentaire dans la catégorie Sciences et sociétés. Elle continue de suivre le travail de réputés chercheurs en neurosciences, tels Isabelle Peretz au Laboratoire international de recherche sur le cerveau, la musique et le son et le neuroscientifique David Poëppel de l'Université de New York, pour s'intéresser cette fois à la musique.
Guérir grâce à la musique
Tout au long de la vie, la musique a de très étonnantes vertus. La musique nous apaise, et ce, dès notre naissance. Les travaux de Tanya Lavoie auprès de nouveau-nés prématurés montrent que la musique ralentit leurs battements cardiaques en réduisant leurs pleurs.
La musique nous lie également, comme l'illustre cette touchante histoire d'un groupe de jeunes filles autistes qui ont formé un groupe musical. Par la chanson, elles réussissent à raconter ce qu'elles ont vécu dans la journée. Grâce à la musique, elles parviennent à communiquer.
Isabelle Raynauld nous montre aussi que la musique peut littéralement sauver des vies. Nous suivons l'histoire de Marissa, survivante du cancer du pancréas au stade quatre, qui avait été condamnée par 29 médecins. À New York, son oncologue l'a soignée avec tous les traitements de chimiothérapie traditionnels. À ces traitements, il a ajouté des séances de méditation accompagnées de sons de bols tibétains ainsi que des séances d'écoute de musique et de vibrations sonores. Le son des bols a permis de faire circuler les fluides, l'énergie dans son corps et l'a aidée à mieux tolérer les traitements de chimiothérapie. Elle est en rémission depuis plus de 20 ans. À cette fabuleuse histoire, Isabelle Raynauld ajoute celle de soldats revenus d'Afghanistan avec un syndrome de stress post-traumatique qui retrouvent le goût de vivre grâce à l'association Guitares pour Vet. La musique les a liés.
«La musique est l'équivalent de l'oxygène pour nos poumons! Elle contribue à la plasticité du cerveau et permet de régénérer nos neurones», dit celle qui a subi une grave commotion cérébrale et qui, notamment grâce au pouvoir de la musique, a réussi à se remettre sur pied.
Dans son documentaire, Isabelle Raynauld a voulu montrer que «la musique a le pouvoir de solliciter plusieurs parties de notre cerveau, de nous synchroniser avec l'autre, avec l'instrument, avec l'univers. Elle calme nos émotions parce qu'elle nous place dans l'instant présent».
Genèse du documentaire
Dans ce long métrage, Isabelle Raynauld a travaillé sur un sujet très personnel qui l'habite depuis qu'elle est toute petite. La cinéaste a en effet grandi dans un environnement musical: son grand-père était chanteur d'opéra, ses parents se sont rencontrés dans la chorale de l'Université de Montréal et elle-même a fait du ballet classique au son du piano jusqu'à l'âge de 20 ans. Et dans sa famille, une partie de ses proches sont atteints de surdité congénitale. Isabelle Raynauld a ainsi considéré la capacité de pouvoir entendre comme un privilège inouï. Très jeune, elle s'est demandé pourquoi certaines personnes n'entendent pas et d'autres entendent. C'est pourquoi elle a fait porter sa thèse de doctorat sur le cinéma muet, pour savoir comment un spectateur devenu en quelque sorte «sourd» pouvait recevoir esthétiquement un film. Ses recherches sur le son ont continué de l'habiter. Elle a ainsi obtenu un financement en 2011 du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada pour travailler sur la musique et le cerveau. Ce dernier documentaire est l'aboutissement d'une dizaine d'années de travail.
Pour une plus grande reconnaissance de la musique
Isabelle Raynauld est étonnée que la musicothérapie ne soit pas plus répandue que cela. «Elle devrait faire partie de nos régimes d'assurance collective!»
La culture médicale occidentale est la seule qui n'intègre pas de musique ni traitements sonores de façon thérapeutique. De nombreuses autres cultures proposent un volet musical pour apaiser les patients et les aider à traverser les épreuves de la vie. Alors «apprendre à jouer d'un instrument, être dans un chœur ne peut que faire du bien! Il n'y a aucun effet secondaire négatif!» commente Isabelle Raynauld.