La région de résidence à l'adolescence influence fortement les chances de poursuivre des études postsecondaires, particulièrement pour les jeunes issus de familles peu scolarisées. C'est l'un des faits saillants que révèle la troisième édition du Bulletin de l'égalité des chances en éducation publié par l'Observatoire québécois des inégalités. « À conditions familiales comparables, les jeunes des régions rurales accèdent moins à l'université, qu'ils soient filles ou garçons », indique Pierre Doray, professeur émérite au département de sociologie de l'UQAM et co-auteur du Bulletin.
Depuis trois ans, le Bulletin de l'égalité des chances en éducation documente les inégalités scolaires à l'aide d'indicateurs provinciaux pour la petite enfance et tous les niveaux d'enseignement du système éducatif. Nouveauté cette année : le Bulletin inclut également des indicateurs régionaux. Au total, cette édition comprend une centaine de figures et près de 20 tableaux de données.
Quelques constats généraux tirés des données issues de cette nouvelle édition :
- Les garçons ont plus de chance d'entrer tardivement au secondaire que les filles.
- Au secondaire, les élèves immigrants de première génération ont vu leur taux de diplomation dans le réseau public fortement augmenter; du côté du réseau privé, les élèves issus de l'immigration de deuxième génération ont un taux de diplomation moins élevé que leurs pairs non issus de l'immigration dans ce même réseau.
- Le taux annuel de sorties sans diplôme ni qualification au secondaire est plus élevé dans le réseau public que dans le réseau privé et plus marqué chez les garçons que chez les filles.
Des inégalités aux quatre coins du Québec
L'analyse thématique de cette troisième édition porte sur les inégalités scolaires interrégionales. Elle se base sur une revue de littérature, des données publiques et des données inédites produites par l'équipe du Bulletin 2025.
Parmi les disparités régionales observées :
- L'enseignement privé est concentré en milieu urbain, particulièrement à Montréal, où plus d'un élève sur trois fréquente une école privée au secondaire.
- Les taux de diplomation au secondaire sont en hausse, mais restent plus faibles dans les régions éloignées.
- Les régions affichant les plus fortes proportions d'enfants vulnérables à la maternelle sont toutes rurales ou éloignées.
- L'offre en services de garde éducatifs varie selon le territoire : à niveau de défavorisation équivalent, les régions urbaines disposent de davantage de places en CPE. Montréal et le Nord-du-Québec présentent les taux les plus élevés de places par 10 000 habitants, tandis que la Mauricie, l'Abitibi-Témiscamingue et le Bas-Saint-Laurent figurent parmi les régions les moins bien pourvues.
- Au primaire, la part d'élèves inscrits au privé dépasse la moyenne provinciale (6%) uniquement à Montréal et dans la Capitale-Nationale.
Un aperçu de l'opinion sur l'accès à l'éducation
Comme chaque année, l'édition 2025 du Bulletin intègre les résultats d'un sondage*. Cette année, les questions portaient sur l'accessibilité des services de garde, le rôle des parents dans le parcours scolaire des enfants et sur la perception des études postsecondaires.
Voici quelques résultats de ce coup de sonde :
- Les Québécoises et les Québécois ayant des enfants dans leur ménage adhèrent davantage à l'idée d'inscrire un enfant en service de garde ou en maternelle 4 ans, tout en étant plutôt en désaccord avec le fait de le garder à la maison jusqu'à son entrée à l'école.
- Les Québécoises et les Québécois reconnaissent le rôle clé des parents dans les études de leurs enfants du primaire au cégep.
- La majorité des personnes se montre favorable à l'inscription d'un enfant dans une école publique secondaire offrant des programmes enrichis, tandis qu'une pluralité estime qu'il n'est pas nécessaire que les parents choisissent une école privée.
- L'accessibilité aux études collégiales et universitaires est perçue comme adéquate par une majorité, mais cette opinion diffère chez les jeunes et les personnes résidant hors des régions métropolitaines de recensement de Montréal et Québec.
En analysant les inégalités éducatives d'une région à l'autre, l'édition 2025 du Bulletin met en lumière la nécessité de stratégies différenciées pour y répondre efficacement. « Réduire les inégalités scolaires nécessite l'adoption de politiques publiques qui tiennent compte des réalités régionales, qui sont conçues en collaboration avec les autorités locales et qui favorisent un accès équitable à une éducation de qualité », affirme François Fournier, chercheur à l'Observatoire québécois des inégalités et coordonnateur du Bulletin de l'égalité des chances en éducation.
* Sondage web réalisé par Léger du 31 janvier au 2 février 2025 auprès de 1 017 Québécoises et Québécois de 18 ans et plus, s'exprimant en français (75 %) ou en anglais (25 %).
Collaboratrices et collaborateurs du Bulletin de l'égalité des chances en éducation :
- Pierre Doray, professeur émérite, département de sociologie UQAM et chercheur au CIRST (Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie)
- Véronique Grenier, chercheuse postdoctorale Banting à l'Institut national de la recherche scientifique (INRS), Centre Urbanisation Culture Société (UCS) et chercheuse associée au Centre de recherche et d'intervention sur l'éducation et la vie au travail (CRIEVAT) de l'Université Laval
- Claude Lessard, chercheur, professeur émérite à la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université de Montréal
- Maude Roy-Vallières, chercheuse postdoctorale à la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université Laval
- Xavier St-Denis, professeur agrégé à l'Institut national de la recherche scientifique (INRS) Centre Urbanisation Culture Société (UCS)