Par Jacques Landry, président de la Fédération des professionnelles et professionnels de l'éducation du Québec (FPPE-CSQ)
L'annonce du report de construction et d'agrandissement d'écoles sème la consternation dans les milieux scolaires, qui doivent déjà composer avec un gel d'embauche, des coupes de 400M$ en entretien des bâtiments et des coupes supplémentaires de 200M$ annoncées en décembre. Cette semaine, une cinquantaine conseillers en ressources matérielles, chargés des projets de constructions et de rénovation d'école du Centre de services scolaires de Montréal, apprennent qu'ils seront mis à pied à la fin de l'année, malgré leur expertise essentielle.
Entasser des élèves dans des écoles trop petites mène à la violence
La science est sans appel : l'espace dont disposent les élèves et le personnel scolaire dans les écoles du Québec a une incidence cruciale sur leurs conditions de vie, de santé mentale et de bien-être physique ainsi que sur les conditions d'apprentissage.
Entasser des élèves et du personnel dans des écoles qui débordent, parfois sans locaux dédiés au service de garde, aux spécialités ou aux bibliothèques, c'est créer des conditions propices aux conduites agressives, aux incivilités et à une recrudescence de la violence.
D'ailleurs, c'est exactement ce qui est constaté actuellement dans les milieux scolaires et qui fait la manchette presque quotidiennement depuis plusieurs mois. Plusieurs causes ont été nommées pour expliquer ces problèmes, mais on oublie que la qualité des infrastructures joue un rôle primordial dans la qualité de vie et des apprentissages des milieux scolaires.
La magie a ses limites
À l'heure actuelle, le nombre d'élèves au Québec ne cesse d'augmenter (on en attend 20 000 nouveaux cette année, l'équivalent de 40 écoles primaires) et le rythme de construction d'écoles ne suit pas du tout la cadence, malgré l'accélération des dernières années stoppée net avec les annonces de l'automne.
La négligence des infrastructures scolaires par les gouvernements qui se sont succédé depuis 20 ans, que ce soit en raison du déficit zéro péquiste, de l'austérité libérale ou de ce que la CAQ appelle "la capacité de payer des Québécois", est honteuse et a des répercussions graves pour les élèves et le personnel scolaire.
Et dire que, pendant ce temps, on a octroyé des baisses d'impôts.
Les centres de services scolaires et le personnel des ressources matérielles ont dû redoubler d'ingéniosité pour "adapter" ou "agrandir de l'intérieur" depuis plusieurs années et ne savent plus, à ce jour, par quelle magie ils assoiront tous les élèves à un pupitre en septembre.
Et c'est sans parler des problèmes de qualité de l'air, de ventilation, de fuites d'eau, de présence d'amiante et j'en passe, qui, loin de se résoudre, s'aggraveront cette année, en raison des coupes au niveau de l'entretien.
Reporter c'est payer plus cher
Le prix des projets de construction, d'agrandissement et de rénovations d'écoles qu'on suspend maintenant augmentera dans un an, dans deux ans, dans trois ans, en raison de la hausse constante des coûts de construction au Québec.
Reporter, c'est payer plus cher ce qui doit être investi maintenant, sous réserve d'aggraver la crise qui sévit à heure actuelle.
Avant d'offrir un service, répondre aux besoins primaires
Il est faux de prétendre que les services aux élèves ne seront pas touchés par les coupes qui sont imposées par vagues successives ces derniers mois en éducation, particulièrement en infrastructure.
Les élèves passent plusieurs heures par jour à l'école, au primaire, parfois presque 10 heures, il s'agit d'un lieu de vie. Les élèves et le personnel doivent s'y sentir bien et en sécurité, conditions essentielles au développement de la vie scolaire et aux apprentissages. Malheureusement, en 2024, dans plusieurs écoles, nous échouons à offrir l'environnement adéquat.